Auberges de jeunesse et ciné-clubs en Tunisie

En même temps qu’en France, dans la lignée du front populaire, de la création des maisons de la culture et des auberges de jeunesse, ces mouvements sont apparus en Tunisie. Après la seconde guerre mondiale (on se souvient que la Tunisie a été occupée par l’armée allemande pendant six mois) les auberges de jeunesse et les cinéclubs ont pris leur essor.

Ils étaient fréquentés et dirigés par des communistes, ou en tout cas par des militants de gauche. L’auberge de jeunesse d’Aïn Draham, celle de Korbous, et d’autres (si vous connaissez les villes où il y en avait, écrivez-moi) voyaient dans les années 50 de joyeux regroupements de trentenaires avec enfants ; de longues randonnées à pied ou en vélo occupaient les journées, et au retour les joyeuses tablées autour du repas préparé par le père aubergiste, puis la vaisselle faite en commun. Les veillées et les chants (les chansons du front populaire, comme :  » ma blonde, entends-tu dans la ville »), c’était comme des colonies de vacances pour jeunes adultes, les couples partaient avec frères sœurs et beaux frères, et amis, et amies…

Bon marché, gaies et festives, les auberges ont vu aussi naître bien des idylles ;mais pour la nuit, les genres étaient séparés, et pas question pour un jeune homme, même marié, de dormir dans le dortoir des femmes !

Jusqu’en 1970, le mouvement des cinéclubs a existé et prospéré ; d’abord à Tunis, au Cinéma  » Le Paris « , tous les dimanches matin à 10 heures, les abonnés se retrouvaient  » à l’heure de la messe « , autour de Gilbert Slama, professeur la semaine et animateur le dimanche ; rattaché à la fédération française des cinéclubs, les films étaient les mêmes qu’en France (le voleur de bicyclette, la notte, etc..) ; la séance (après les bonjours et les embrassades des habitués) commençait par une présentation faite par Gilbert Slama ; après le film, les débats étaient vifs, passionnés, souvent politiques. Toute une génération de cinéphiles tunisiens ont été formés là (ainsi qu’à la cinémathèque de la rue Zarkoun, dont les séances du mercredi soir étaient animés par un homme rond et fumeur de pipe (son nom m’échappe). Au Paris, on voyait tous les dimanches Raoul Attal naviguant sur ses béquilles, accompagné de son fils Claude, et entouré de ses fidèles, dont Max Chemla faisait partie. Plus tard, les ciné clubs se sont créés partout en Tunisie : et la fédération tunisienne des ciné clubs, jusque dans les petits villages, est restée longtemps un des seuls, puis un des derniers, lieu de débats collectifs, lieu de discussions politiques même au temps du parti unique, et lieu de diffusion de la culture cinématographique. Les cinéastes tnunisiens d’aujourd’hui ont presque tous grandis dans cette culture, et participé dans leur jeune temps ç ces débats ouverts, dans un pays qui peu à peu se fermait…