Les Chemla du Caire

Tous les Chemla de Tunisie ont entendu parler des Chemla du Caire ; voici un extrait du récit d’un de leurs descendants, qui raconte le début de cette aventure…

Le 9 juillet 1903, en Tunisie, Clément Chemla, le frère de Ghezela Koskas, née Chemla, épousait Pia Pariente. Clément Chemla avait à peu près 29 ans ; il était l’avant dernier enfant de Jacob Chemla.

Lui-même et sa plus jeune sœur Nina avaient été les seuls des enfants Chemla à avoir pu bénéficier des cours de l’Alliance Israélite, et ils étaient instruits, sachant parfaitement parler, lire et écrire le français.

La jeune épouse de Clément était Pia Pariente, fille d’Alfonso Pariente. Pia Pariente était une jolie jeune femme qui sous son doux sourire cachait une femme de caractère. On rapporte ainsi que lorsqu’elle s’était rendue à Monastir auprès de sa belle-famille, et sachant que les routes n’étaient pas sûres, Pia avait voyagé dans le taxi collectif, à côté du chauffeur, à l’avant du véhicule, tenant un revolver chargé posé sur ses genoux, et prête à toute éventualité.

Les frères de Clément Chemla, plus âgés que lui puisqu’ils étaient nés, David Chemla en 1861 et Victor Chemla vers 1864, c’est-à-dire une bonne dizaine d’années avant lui, avaient commencé à travailler à Tunis comme colporteurs. Ils tournaient dans les quartiers marchands, portant des coupes de tissu sur leur épaule et cherchaient des clients.

Travailleurs et intelligents, ils avaient réussi en quelques années à avoir pignon sur rue et étaient devenus les propriétaires d’un grand magasin de mode, les  » Galeries Chemla « . Les Galeries Chemla se trouvaient en plein centre de Tunis, rue de Rome, presqu’au coin de la place de la Résidence, là où s’installerait plus tard la banque dénommée  » Compagnie algérienne « .

Elles avaient comme concurrent les  » Galeries Krief  » qui se trouvaient rue d’Italie (rue Charles de Gaulle).

En quelques années, les Galeries Chemla étaient devenues un grand magasin où les élégantes pouvaient trouver des robes de Paris qui étaient ajustées par une première main très capable, qui s’appelait madame Spid.

Deux ans après son mariage, en 1905, Clément Chemla et l’un de ses frères partaient pour le Caire afin de préparer la construction d’un grand magasin de modes et l’installation de la famille Chemla en Egypte.

En 1907, les frères Chemla avaient réussi à ouvrir leur magasin de modes, au Caire, rue Boulac (qui devait devenir par la suite la rue Fouad 1er).

Un article paru dans un journal du Caire  » le progrès égyptien  » du 25/2/52 raconte l’histoire de la famille Chemla ; l’article est intitulé :  » Comment en s’installant en 1907 rue Boulac les frères Chemla contribuèrent à déplacer le centre du Caire « .

Il raconte que les frères Chemla ne s’embarquèrent pas seuls sur le navire de la  » Prince line  » qui les emmenait vers de nouveaux cieux.

 » Avec eux avaient pris place une trentaine de familles tunisiennes que les frères Chemla avaient convaincues de les suivre. C’étaient des hommes jeunes et beaux, parents, alliés ou amis des Chemla, énergiques au travail, fidèles au chef de file, et qui devaient constituer en quelque sorte l’état major de la nouvelle entreprise qui les attendait. Les magasins Chemla frères se développèrent et s’agrandirent. L’un des Chemla s’était installé à Paris pour y créer le bureau d’achats de la maison « .

C’est en effet vers 1910 que Clément Chemla s’installa, avec son épouse Pia, à Paris, pour créer le bureau d’achat de la société. Ils louèrent un appartement avenue Niel et s’y installèrent avec leurs deux petites filles, Edmée qui avait déjà 5 ans et Jeannette qui avait deux ans.

La jeune sœur de Clément, Nina Chemla, avait épousé Léon Saporta. Eux aussi s’installèrent à Paris, en même temps que Clément et Pia, et ils louèrent un appartement boulevard Poissonnière . Léon Saporta allait être le collaborateur principal de son beau-frère Clément.

Les affaires de Chemla prospérèrent et les familles des frères vécurent des années fastes pleines de magnificence.

Les oncles du Caire, les cousins et cousines du Caire, représentaient dans l’imaginaires des parents restés à Tunis quelque chose d’extraordinaire et de merveilleux.

Leur mère, la veuve de Jacob Chemla, était partie avec ses fils s’installer au Caire. Taïta Chemla, épouse Saban, leur sœur, était également partie au Caire avec sa famille. Et, malgré l’éloignement, les liens de Ghezela, Mreïma et Nina avec la famille installée en Egypte restaient très forts.

Les enfants de Victor, l’oncle de Clément, s’installèrent aussi au Caire ; ce fut le cas de Gilbert et de Marcelle. Et David s’installa aussi à Paris comme acheteur.

Le lien avec la famille d’Achille Chemla :

Achille Chemla tenait avec sa femme un magasin de modes rue des Maltais (avec une entrée rue de Constantine), et habitait près de la Porte de France

Peu après 1910, il résilia son bail locatif et vendit tous ses meubles, pour préparer un départ vers Le Caire, afin d’y rejoindre Clément Chemla et de travailler aux Grands magasins Chemla.

Pour des raisons dont la mémoire s’est perdue, ce départ n’eut pas lieu.

Achille avait heureusement gardé le magasin, mais il dût retrouver un logement ; après avoir habité provisoirement Le Bardo, dans les locaux de la poterie Chemla, il emménagea avec sa famille avenue de Londres prolongée, où ils habitèrent longtemps, avant de rejoindre la rue Lafayette.

Le lien avec la famille de son cousin Alfred:

Alfred, peu après son mariage en 1905, vendit tout dans le projet de s’installer au Caire ; mais sa jeune épouse ne se décida pas à s’éloigner de sa famille… Il resta à Tunis.