Izkor.


Ce texte, Izkor, est lu dans les synagogues, le jour de kippour, pour évoquer la mémoire des personnes chères qui ne sont plus parmi nous. Sa puissance évocatrice dépasse largement la sphère des juifs, et celle des croyants (traduit de l’hébreu par la communauté libérale).


Vous vous souviendrez.

Le souvenir est chose douce.
Il apporte une fraîcheur à l’âme aride, il enveloppe le coeur d’une caresse qui berce et apaise, il couronne le front de sérénité.

Le souvenir est chose pieuse.
Il est un autel élevé dans le sanctuaire intime où la fidélité apporte sa quotidienne offrande. Il fait que quelque chose des chers absents s’associe à nos oeuvres, survit et continue d’agir. Il fait que nous sommes un peu ce qu’ils furent.

Le souvenir est chose bénie.
Il évoque, idéalisés, les chers visages qui nous suivent dans notre carrière d’ici-bas, qui nous sourient et nous rassurent par leur présence. Leur pensée veille en nous et nous est une sauvegarde ; elle pose une lumière sur notre chemin et une bienveillance dans nos coeurs. Leur exemple nous est une exhortation, il éclaircit et élève pour nous la notion du devoir.

Le souvenir est chose pure.
Il nous pénètre d’une grâce spirituelle, il met une pudeur dans nos pensées, un respect dans nos paroles, une gravité dans nos actes, il répand une majesté et un recueillement.

Le souvenir est chose généreuse.
Il nous fait nous détacher de nos préoccupations personnelles, il nous emporte par-delà les griefs, les impatiences et les étroitesses, et nous fait entrer dans la dignité de l’esprit.

Le souvenir est chose puissante.
Il est l’invisible noeud qui lie les unes aux autres les générations qui se succèdent, il nous marque du sceau des responsabilités solidaires et ainsi nous fait veiller à ce que le flambeau allumé se transmette et ne s’éteigne point.

Le souvenir est chose sainte.
Il nous élève au-dessus du temps et de l’espace, il nous rend égaux devant l’éternité, il unit les lèvres dans une même supplication d’espérance et les âmes dans un même élan de prière. Il n’y a plus de place dans les coeurs que pour une ferveur unanime.

Le souvenir est un enseignement de sagesse et un message d’amour. En veillant sur la mémoire des chers disparus, nous veillons sur le meilleur de notre pensée. Jamais nous ne sommes plus près de notre être véritable que lorsque nous sommes près d’eux. De les avoir connus et de les avoir aimés nous est une élévation.

Le souvenir secoue la poussière du tombeau, le culte des regrets est un rachat du sépulcre : la vraie mort, c’est l’oubli. A l’heure suprême, ce leur fut une consolation de s’endormir sur l’assurance d’avoir été davantage que de simples passants, puisqu’ils devaient trouver le bon asile de notre coeur qui se remémore et s’enchante de leur nom aimé comme d’une bénédiction.

Et puis le souvenir, en nous rendant plus saisissantes la brièveté des jours et la soudaineté des séparations, nous rappelle que le temps nous est mesuré pour faire le bonheur de toutes celles et de tous ceux que nous chérissons et qu’un moment viendra où nous nous reprocherons de ne pas les avoir suffisamment aimés.

Donc hâtons-nous d’envelopper de tendresse toutes celles et tous ceux qui sont chers à notre coeur. Ne négligeons à leur égard aucune occasion de bonté et de dévouement : la mort peut nous les enlever d’un instant à l’autre. Un même cri nous arrive de ceux qui ont déjà franchi le pas de lumière : «Travaillez à vous rendre meilleurs et à faire autour de vous la vie plus haute, plus douce et plus belle».